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Virginie Despentes est née le 13 juin 1969 à Nancy.

Candidate libre au bac, elle a fait tous les métiers : femme de ménage à Longwy, hôtesse dans un salon de massage à Lyon, pigiste pour des journaux rock et porno, vendeuse au rayon librairie du Virgin Megastore à Paris. Sa chance tourne avec la publication de ses deux romans : Baise-moi (1993, Florent Massot) vendu à plus de 40 000 exemplaires puis adapté au cinéma, et Les Chiennes savantes (1995). Elle est traduite en plus de dix langues. (www.grasset.fr)


Quand et comment avez-vous connu Gaspar Noé ?


Coralie connaîssait Gaspar Noe, pour avoir tourné avec lui un court métrage X (campagne pour le présa). Quand on a terminé la première version du scénario, elle a donc pensé à lui demander s'il voulait y jeter un oeil et nous donner un peu la bonne parole. Il nous a donc rejoint dans un restaurant chinois du 20ème, un soir. C'est la première personne qui nous ai dit "Quelle bonne idée !", et un peu la seule, quand même, pendant longtemps. Tout lui semblait possible et intéressant : qu'on le réalise à deux, en dv, qu'on le fasse avec des gens du X, et avec de vraies scènes, etc. Pendant toute la préparation, et ensuite pendant le montage, on l'a vu régulièrement, et sur bien des plans ses conseils ont été vraiment précieux, car si Gaspar nous avait dit quelque chose (comme "c'est tout à fait possible de shooter sans lumière, allez y, oui bien sûr") plus personne ne pouvait nous raconter le contraire.


Que pensez-vous de son cinéma et de sa personnalité ? Que retenez-vous de ses films ?


Son cinéma ? Je suis absolument fascinée par la précision de ses films : dans chaque plan, on voit bien que chaque chose est maniaquement en place. Gaspar Noé semble savoir très exactement ce qu'il a à faire. Je trouve cette sensation d'inévitable, d'imparable, quand on regarde ses films extrêmement rare et étonnante. c'est pourquoi il s'en foutait de savoir que personne ne faisait de film comme Carne, quand il l'a fait. Ni en france, ni ailleurs. Il fait les films qu'il a à faire avec une lucidité, une perspicacité et une obstination calme qui selon moi le qualifient parmi les très rares et très grands. Savoir ce qu'on à faire avec cette évidence relève de l'exception. Je retiens de son cinéma bien sûr les thèmes qu'il aborde, qui sont toujours à la fois en directe résonnance avec "l'époque" au sens large, et à la fois c'est des films pour un public particulier, affranchi, averti.


Gaspar apparaît dans les remerciements de "Baise-moi", le film quevous avez réalisé avec Coralie. Pour quelle(s) raison(s) ? Comment est venu le choix de l'extrait de Seul contre tous dans votre film ?


Comme je le disais précédemment, Gaspar Noé a été souvent "là" pendant la préparation du film, pendant le tournage et pendant le montage. Je pense que le cinéma le fascine, dans l'ensemble, il déborde tellement d'idées et d'évidences sur comment faire un film, il est très généreux avec les autres. Et je crois aussi que "baise moi", à cause de plusieurs aspects du film, ça le faisait spécialement bien rire. Et je crois enfin qu'il sentait qu'on pouvait faire usage de ses conseils, de son soutien, voir de sa simple bonne présence. Pour l'extrait du film, on voulait que Nadine regarde la télé pendant la levrette avec le client, et pour les besoins "légaux", on avait besoin de l'autorisation de la production du film qu'on passerait. D'un point de vue pratique, c'était donc évident de demander à Gaspar s'il était OK. et d'un point de vue "filmique" il faut dire qu'on atteignait limite l'extase de pouvoir cligner de l'oeil comme ça.

Et puis, au final, Gaspar a été le seul à nous appeler pour nous féliciter quand on a eu nos problèmes d'interdiction. "vous êtes retirées de l'affiche ! vous mettez la barre super haut". Et c'était un soutien assez crucial, quand même.


Pensez-vous que le remue-ménage orchestré par la censure autour de "Baise-moi" a permis à un film comme Irréversible de voir le jour sans trop de problèmes et de passer à travers "les mailles du filet" ?


La nouvelle loi "moins de dix huit ans" a dû permettre au film de se monter, au sens où Gaspar pouvait annoncer qu'il y aurait des "scènes hard" en faisant spécifier sur contrat qu'il en prenait le droit, puisque le film pourrait obtenir un visa moins de dix huit ans ?

Franchement, je pense que ça n'aurait rien changé à sa façon de faire "Irreversible". Si Gaspar a réussi à monter des films tels que Carne ou Seul contre Tous, ça n'est certainement pas en attendant que la mode ou les lois lui facilitent la tache.

Je me souviens d'une anecdote. Juste après avoir écrit "Baise-moi", quand godo a acheté les droits, j'ai préparé un court métrage. Et avec la productrice de ce court, on était allées voir auprès de je ne sais quel représentant légal du CNC (des gens qui distribuent l'argent de l'état pour aider à se monter des projets). On était donc arrivées dans le grand bureau de ce fonctionnaire, un jeune type à lunettes, qui avait une guitare sèche dans son bureau. A l'époque je ne connaissais pas du tout Gaspar, mais je connaissais son CARNE par coeur. Tout ce que je savais - comme tous ceux qui l'avaient vu - c'est que Gaspar était le plus passionnant des jeunes réalisateurs français, sans discussion aucune.

Ça m'avait donc super choquée quand l'espèce de crétin à lunettes avait commencé à nous raconter qu'il avait longuement hésité avant de refuser l'aide à Gaspar Noé pour réaliser son deuxième film… parce que "c'était trop de violence et il fallait que Gaspar élargisse un peu son univers". ça faisait donc deux ans que Gaspar faisait son film.

Et en voyant le genre de connard qu'il devait se coltiner, et en imaginant les conneries effroyables qu'il fallait qu'il entende pendant ce temps, j'ai bien compris que rien ne l'empêcherait de filmer ce qu'il avait à filmer. N'importe qui aurait jeté l'éponge, à sa place; trop de connerie.

N'importe qui d'autre, à mon avis, se serait dit que c'était impossible de financer son film et aurait changé de projet. enfin, la plupart des gens, selon moi, se seraient couchés plutot qu'endurer ça.
Au lieu de ça, Gaspar, quand on lui en reparle, semble trouver tout ça follement excitant.

Tout ça pour dire que j'ai un doute que la loi sur baise moi lui ai fait chaud ou froid. Je l'ai entendu dire que c'était grâce à cette loi qu'il avait fait son film, mais je le prends uniquement comme une preuve de sa grande classe envers nous.


Vous avez adapté les paroles de "Protect Me From What I Want" (devenu "Protége-moi") - du groupe anglais Placebo -  en français. Que pensez-vous du clip réalisé par Noé ?


Que du bien.


Peut-on rêver d'une collaboration Virginie Despentes/Gaspar Noé et si oui, de quel genre ? Une adaptation de "Bye Bye Blondie ?" ;)


Qui sait ? Une partouze sur trois étages, et on filmerait chacun son étage, au mien des femmes tatouées et piercées sodomiseraient des hommes beaux comme des dieux, avec application et rage.

Au sien, je ne veux même pas imaginer ce qui se passerait...


Un immense merci à Virginie Despentes pour sa gentillesse et sa disponibilitié.

This interview has been translated automatically. 

Virginie Despentes was born on June 13, 1969 in Nancy.

Free candidate for the bac, she has done all trades: housekeeper in Longwy, hostess in a massage parlor in Lyon, freelance for rock and porn newspapers, saleswoman in the bookstore department of the Virgin Megastore in Paris. His luck turned with the publication of his two novels: Baise-moi (1993, Florent Massot) sold in more than 40,000 copies then adapted for cinema, and Les Chiennes savantes (1995). It is translated into more than ten languages. (www.grasset.fr)


When and how did you meet Gaspar Noé?


Coralie knew Gaspar Noe, having shot with him a short film X (campaign for the presa). When we finished the first version of the script, she thought about asking him if he wanted to take a look at it and give us the good word. So he joined us in a Chinese restaurant in the 20th arrondissement one evening. She's the first person to tell us "What a great idea!", And kind of the only one, anyway, for a long time. Everything seemed possible and interesting to him: that we do it together, in dv, that we do it with people from X, and with real scenes, etc. During all the preparation, and then during the editing, we saw him regularly, and in many ways his advice was really precious, because if Gaspar had told us something (like "you definitly can shoot without lighting, yeah sure, go on"), nobody could convince us otherwise.



What do you think of his cinema and his personality? What do you remember from his films?


His cinema? I am absolutely fascinated by the precision of his films: in each shot, you can see that everything is manically in place. Gaspar Noé seems to know exactly what to do. I find this feeling of inevitable, unstoppable, when watching his films extremely rare and astonishing. that's why he didn't care that nobody was making a movie like Carne, when he did. Neither in France, nor elsewhere. He makes the films he has to make with a lucidity, an insight and a calm obstinacy that in my opinion qualifies him among the very few and the very great. Knowing what to do with this evidence is an exception. I retain from his cinema of course the themes that he addresses, which are always at the same time in direct resonance with "the time"


Gaspar appears in the acknowledgments of "Baise-moi", the film you made with Coralie. For what reasons) ? How did you choose the extract from Seul contre tous in your film?


As I said earlier, Gaspar Noé was often "there" during the preparation of the film, during the shooting and during the editing. I think cinema fascinates him, on the whole, he is overflowing with so much ideas and evidence on how to make a film, he is very generous with others. And I also believe that "fuck me", because of several aspects of the film, it made him laugh especially well. And finally I believe that he felt that we could use his advice, his support, even his simple good presence. For the film extract, we wanted Nadine to watch TV while doggy style with the client, and for "legal" needs, we needed the production authorization of the film we would be showing. From a practical point of view, it It was therefore obvious to ask Gaspar if he was OK. and from a "filmic" point of view it must be said that we reached the limit of ecstasy to be able to wink like that.

And then, in the end, Gaspar was the only one to call us to congratulate us when we had our ban problems. "you are withdrawn from the poster! you are raising the bar super high". And that was pretty crucial support, though.


Do you think that the turmoil orchestrated by the censorship around "Baise-moi" allowed a film like Irreversible to see the light of day without too many problems and to slip through "the cracks of the net"?


The new law "less than eighteen years" must have allowed the film to be edited, in the sense that Gaspar could announce that there would be "hard scenes" by specifying in the contract that he took the right, since the movie could get a visa under eighteen?

Frankly, I don't think it would have changed the way he did "Irreversible". If Gaspar has managed to mount films such as Carne or Seul contre Tous, it is certainly not while waiting for fashion or the laws to make it easier for him.

I remember an anecdote. Right after writing "Fuck me", when godo bought the rights, I prepared a short film. And with the producer of this short, we went to see I do not know what legal representative of the CNC (people who distribute state money to help set up projects). So we had arrived in the large office of this official, a young guy with glasses, who had a dry guitar in his office. At the time I didn't know Gaspar at all, but I knew his CARNE by heart. All I knew - like everyone who had seen him - was that Gaspar was the most fascinating of young French directors, without any discussion.

So it really shocked me when the kind of bespectacled moron began to tell us that he had hesitated for a long time before refusing to help Gaspar Noé to make his second film… because "it was too much violence. and Gaspar needed to expand his universe a little. " So it had been two years since Gaspar was making his film.

And seeing the kind of asshole he had to put up with, and imagining the terrible bullshit he had to hear during that time, I understood that nothing would prevent him from filming what he had to film. Anyone would have thrown in the towel, in his stead; too much bullshit.

Anyone else, in my opinion, would have thought it was impossible to finance their film and would have changed their plans. well, most people, in my opinion, would have gone to bed rather than put up with this.

Instead, Gaspar, when we talk to him about it again, seems to find it all insanely exciting.

All that to say that I have a doubt that the law on fucking me made him hot or cold. I heard him say that it was thanks to this law that he made his film, but I take it only as proof of his high class towards us.


You adapted the lyrics to "Protect Me From What I Want" (now "Protége-moi") - from the English group Placebo - in French. What do you think of the clip directed by Noé?


Only good.


Can we dream of a Virginie Despentes / Gaspar Noé collaboration and if so, what kind? An adaptation of "Bye Bye Blondie?" ;)


Who knows ? An orgy on three floors, and we would each film their own floor, in mine tattooed and pierced women sodomizing men as handsome as gods, with application and rage.

To his, I don't even want to imagine what would happen ...


A huge thanks to Virginie Despentes for her kindness and availability.

Virginie Despentes

Autrice, réalisatrice

Writer, director

FP/LTDT. Entretien avec Virginie Despentes. Le Temps Détruit Tout [en ligne]. Publié le 17/12/2004. Consultable à l'adresse : http://www.letempsdetruittout.net/interviews/virginie-despentes

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