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Gérard Courant est cinéaste. Il est né dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon le 4 décembre 1951. Parmi ses nombreuses oeuvres (retrouvez sa filmographie complète ici), le Cinématon : "une mine d'or pour l'historien : Courant fait défiler devant sa caméra un nombre imposant de personnalités" (Jean Tulard)


Comment avez-vous connu Gaspar Noé et pourquoi l’avoir choisi ?


Pour bien répondre à votre question, il est important de dire pour ceux qui ne le savent pas encore ce qu’est un Cinématon. Un Cinématon est un portrait filmé d’une personnalité des arts ou du spectacle (cinéaste, comédien, écrivain, peintre, musicien, journaliste, philosophe, etc.). Cette personnalité est filmée en un gros plan-séquence de 3 minutes 25 secondes, en une seule prise, fixe et muet dans lequel elle a une totale liberté de faire ce qu’elle désire devant la caméra.


Autre précision : ce film, commencé le 7 février 1978 !, est sans fin. À ce jour – ce 7 janvier 2004 – 2083 portaits ont été mis en boîte et l’ensemble dure environ 150 heures !


Le portrait de Gaspar Noé a été filmé le 23 juin 1995 à 0 heure 20, à l’occasion d’une fête offerte par la chaîne de télévision cryptée Canal +. Cette nuit se déroulait dans une salle historique de spectacle : le Bataclan. Et pour être encore plus précis, c’était le département « Programmes courts » dirigé par Alain Burosse qui organisait et « mettait en scène » cette nuit de fête… pardon, de folie. Et c’est là qu’il faut parler quelques instants d’Alain Burosse sans qui le Cinématon de Gaspar Noé n’existerait pas.


Alain Burosse faisait partie de l’équipe fondatrice de Canal +. Dès le départ, il créa les « Programmes courts » qui s’ingénièrent à programmer un certain nombre d’œuvres de ciné artistes (dont j’étais) et d’artistes vidéo qui étaient exclues des chaînes généralistes de télévision parce que ces films et ces bandes étaient trop dérangeants, trop décapants, trop anarchistes. Il a notamment programmé régulièrement des Cinématons. Mais Alain Burosse a fait plus encore. Chaque fois que lui et Canal + organisaient une nuit  (comme au Cirque d’hiver et dans les locaux de Hara-Kiri en 1987, au Palais de Chaillot en 1988, au festival de Clermont-Ferrand en 1990, au Bataclan en 1995) où se bousculaient des centaines d’invités, voire des milliers comme au Palais de Chaillot, il mettait à ma disposition un petit studio dans lequel je pouvais filmer à ma guise des personnalités invitées à ces nuits. Je n’avais qu’à les cueillir pour les installer devant ma caméra. Et la subtilité de l’opération n’était pas de filmer le tout venant des invités mais de choisir des personnes triées sur le volet, au talent rare, des artistes qui sortaient de l’ordinaire et des sentiers battus.

Pardonnez ces digressions mais sans Alain Burosse, je n’aurais jamais filmé Gaspar Noé et Karl Zéro, Cavanna et Sylvia Bourdon, Carette et Alain Chabat, le Professeur Choron et Jackie Berroyer, Florence Thomassin et Amina, etc.

Je reviens au Bataclan, à cette douce nuit d’été du 22 au 23 juin 1995. Mon petit studio se trouvait à l’écart, au fond d’un couloir où je bénéficiais du calme indispensable à la bonne réalisation des Cinématons. Je n’avais pas besoin de sortir de ce lieu car d’indispensables « rabatteurs bénévoles » travaillaient pour moi dans l’obscurité de la nuit et m’amenaient certains personnages qui échouaient immanquablement devant ma caméra. Et parmi ces « rabatteurs bénévoles », il y avait évidemment Alain Burosse. J’imagine que c’est lui qui accompagna Gaspar Noé jusqu’à mon studio car Alain fut l’un des premiers à apprécier et à défendre le travail de Gaspar. Il m’en parlait souvent en termes très élogieux. 
Le choix de filmer Gaspar Noé a donc été naturel : il s’est fait de lui-même. Parmi les nombreux invités, il était inévitable qu’un Alain Burosse ou qu’un de ses acolytes m’amenât des artistes au talent rare, de la trempe de Gaspar. Cela faisait partie de notre contrat moral entre Alain, les « Programmes courts » et moi. J’étais là pour ça !


Quelle a été sa réaction par rapport à ce choix ?


D’après mes souvenirs, ce fut une réaction enthousiaste. Et puis, nous avions tous une confiance aveugle en Alain Burosse. Alain était – j’en parle au passé car, depuis, il a quitté Canal + – une personne extrêmement fiable dans tout ce qu’il nous proposait. Si cette nuit-là, Alain a dit à Gaspar : « Suis-moi, je te présente Gérard Courant qui va faire ton Cinématon », il ne serait pas venu à l’idée de notre futur cinématé – ou de quiconque placé dans la même situation – de s’opposer à cette proposition. Au contraire, quand Alain Burosse nous projetait dans une aventure, quelle qu’elle soit, on savait à l’avance qu’on ne le regretterait pas.


Comment s’est déroulé le tournage et qu’a fait précisément Gaspar Noé devant votre caméra ?


Les présentations se firent rapidement. Une réserve de champagne était à ma disposition dans le studio. Ça permettait de nouer rapidement les contacts avec les personnes que je devais filmer. Il faisait chaud. Gaspar était habillé d’un tee shirt blanc et il ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours. Il était apparemment très détendu. Il commença le Cinématon en souriant, puis écarta les bras et mit ses deux mains derrière la tête. Il ferma les yeux. Il se mit à rire. Il fixa la caméra et enleva ses mains qui étaient toujours derrière sa tête. Il recula cette dernière qu’il posa contre le mur en souriant. Il remit encore ses mains derrière la tête. Il ferma à nouveau les yeux, les ouvrit puis les ferma encore. Enfin, il ouvrit très grand les yeux et regarda le plafond. C’est alors que se termina son Cinématon.
De ce portrait, il résulte une sérénité rare, une plénitude, une grande décontraction.

Lucile Hadzihalilovic, la compagne de Noé et son ami, le réalisateur Jan Kounen sont eux aussi passés devant votre caméra le même jour, à quelques minutes d’intervalle… En quoi consistaient leurs portraits ?

En effet, lorsque Gaspar Noé vint se faire filmer, il était accompagné de Lucile Hadzihalilovic et de Jan Kounen. Et c’est tout naturellement que j’ai proposé à chacun d’eux de les filmer également.
Le portrait de Lucile est très sobre et d’une tranquillité désarmante : pendant les 200 secondes de son Cinématon, elle sourit et fixe la caméra. Elle ne déroge jamais à ce jeu tout au long de son portrait.

Quant à Jan Kounen, il a choisi la posture inverse. Son Cinématon est très agité. Les actions se bousculent. S’il fallait décrire son portrait en détail, cet entretien traînerait en longueur ! Bon, je vais essayer d’être court et de décrire chronologiquement ses principales actions.
Jan Kounen commence par sourire puis il ouvre très grands les yeux. Il se cache le visage derrière ses mains. Son visage se raidit et il serre les dents. Il sort du cadre qui devient complètement vide. De l’écran vide, il fait apparaître un de ses pieds chaussés de basket. Son visage revient dans le cadre et il a quelques tics. Jan fixe la caméra. Il tourne la tête à droite, puis à gauche. Il parle à la caméra (alors qu’il sait que le Cinématon est muet) en articulant démesurément les mots (comme l’ont fait avant lui, à leur manière, un Serge Daney en 1979 ou un Roberto Benigni en 1986) avec une quantité de mimiques et de grimaces. Il poursuit ses grimaces tout en faisant en même temps des gestes des doigts autour de sa bouche pour expliquer au spectateur qu’il voudrait parler mais que c’est impossible (puisque, je le répète, le film est muet). Il continue ses grimaces. Il se lève de son siège et s’approche de la caméra jusqu’à se coller contre l’objectif et l’image devient complètement noire. Il reprend sa place sur son siège tout en continuant de parler. Il s’adresse encore au spectateur en montrant sa montre accrochée à son poignet. Son agitation n’est pas terminée : il tourne la tête dans tous les sens et il revient vers la caméra. Il met une de ses  mains devant l’objectif qu’il agite latéralement. Cela devient un jeu de cache-cache avec son visage qui est camouflé en partie par le mouvement de sa main. Et c’est ainsi que se termine la performance – parce qu’il s’agit bien d’une performance – de Jan Kounen.

Les prestations de Lucile, Gaspar et Jan nous offrent ainsi une sorte de condensé des différents comportements cinématés devant ma caméra. Lucile a choisi de ne rien faire et s’y tient tout au long de son portrait. Gaspar est dans une situation intermédiaire : il se met en scène dans des actions mineures entrecoupées de longs temps morts. Enfin, Jan remplit l’aquarium des images du Cinématon jusqu’à ras bord. « Rien que de l’action » pourrait être sa devise.


On retrouve le « trio » (Noé – Hadzihalilovic – Kounen) dans le carnet filmé Itinéraires héréditaires. En quoi cela consistait-il ?


Juste deux mots sur les Carnets filmés. Depuis mes débuts de cinéaste, dans les années 1970, et parallèlement à mes Cinématons et à mes autres films, j’ai toujours tourné mes Carnets filmés qui sont des archives cinématographiques. Ces Carnets regroupent toutes sortes d’éléments épars : des essais, des notes, des croquis, des esquisses, des repérages, des Cinématons ratés (par exemple, quand ils ont été arrêtés par une panne de batterie et qu’il a fallu les refilmer), des reportages, voire des rushes ou des films inachevés qui sont rassemblés ici pour former un ensemble proche de l’esprit d’un journal en littérature. Ils sont montés au jour le jour et forment des épisodes qui couvrent des périodes étalées sur six mois ou un an et durent entre 45 minutes et 95 minutes. 29 ont été réalisés à ce jour.

Et j’en arrive au fameux trio. Lucile, Gaspar et Jan ont en effet été filmés dans l’épisode des Carnets, Itinéraires héréditaires qui s’étale du 21 mai au 8 novembre 1995 et qui dure 1 heure 36.
Lors de la nuit du Bataclan, j’avais installé une deuxième caméra cinématographique dans le même axe que la première qui filmait les Cinématons mais dans un cadre beaucoup plus large. Lors de ces longues nuits de tournage, je pouvais filmer dix ou vingt personnes. Il arrivait parfois que, même si je connaissais le nom ou le travail artistique d’une personne, je ne la connaissais pas physiquement avant de la filmer et il était toujours possible que lorsque je monterai quelques jours plus tard les génériques de présentation de chaque portrait avec les images des Cinématons, j’aie parfois une difficulté à mettre un nom sur un visage. Ainsi, afin de ne pas faire l’erreur de mettre le générique d’un Cinématon avec l’image d’un autre Cinématon, j’avais trouvé un système qui me permettait d’éviter cette possible erreur. Pendant les tournages, dans un cahier d’écolier, j’écrivais chronologiquement le nom des personnes que je filmais et, parallèlement, avec cette seconde caméra, je filmais chaque cinématé pendant quelques secondes. Ainsi, quand mes films sortaient du laboratoire de développement en bobines séparées et dans le désordre, si j’avais des doutes sur le nom d’un personnage filmé, il m’était facile de consulter mon cahier en visionnant les images impressionnées par la seconde caméra pour remettre de l’ordre dans mes Cinématons.
C’est ainsi que Lucile, Gaspar et Jan figurent dans le 22e épisode de mes Carnets filmés que je tournais à l’époque, Itinéraires héréditaires.

De plus, j’avais installé une troisième caméra, vidéo celle-là, qui était placée exactement dans le même axe et qui avait le même cadrage que la première caméra (celle des Cinématons). Cette caméra vidéo était reliée à un immense écran dans la grande salle sur lequel était projeté les Cinématons en train de se faire – ainsi que leur préparation et l’après tournage – et qui étaient vus au même instant par des centaines de personnes buvant et dansant. De nombreux témoins oculaires ont donc pu découvrir, en direct, le tournage du Cinématon de Gaspar Noé !

J’avais également branché une imprimante à la caméra vidéo qui permettait de sortir des images noir et blanc, au format 21 x 27 cm, pendant le tournage des Cinématons. Je conservai précieusement ces reproductions qu’ensuite je refilmai en Super 8 et intégrai également dans Itinéraires héréditaires.


En 1996, Gaspar Noé a réalisé un clip pour le chanteur Mano Solo et, quelque part, on pourrait y voir un clin d’oeil à Cinématon : Solo et son groupe sont filmés en plan-séquence fixe et semblent totalement libres… Un hommage à Gérard Courant ?


Pourquoi pas ? Vous savez, je n’ai rien inventé.  Je dis souvent que mes maîtres, ce sont Louis et Auguste Lumière. Dans leurs premiers essais, qui sont les premiers films du cinéma, ils faisaient des films d’un seul plan fixe d’environ 50 secondes (parce que leur cinématographe ne pouvait pas accepter davantage de pellicule).


Sur internet, on peut commander la version papier de Cinématon, présentant 1000 photographies commentées tirées de votre projet. Gaspar Noé en fait-il partie ?


Il s’agit du livre Cinématon, édité en 1989 par les éditions Henri Veyrier. Ce livre, qui est épuisé depuis quelques années, est composé de 1000 photogrammes extraits des 1000 premiers Cinématons. Le Cinématon de Gaspar Noé est le 1749e de la collection. Par conséquent, il ne peut pas figurer dans ce livre. (Petite précision : on trouve encore ce livre chez des bouquinistes et des librairies de cinéma). 
J’avais le projet de publier un deuxième volume (du Cinématon 1001 à 2000) en 2001 dans lequel aurait figuré Gaspar (et Lucile et Jan) mais emporté par d’autres films et d’autres projets, je n’ai jamais trouvé le temps et l’énergie pour mener ce projet à son terme.

Puisque les 2000 portraits sont maintenant largement dépassés et que le livre des 1000 premiers Cinématons est épuisé, j’ai modifié mon projet. Je voudrais publier un livre avec les photogrammes de tous les Cinématons du numéro 1 au dernier existant (actuellement 2083). Mais l’éditeur capable de publier un tel livre existe-t-il ?


Comment et où voir Cinématon en 2004 ?


On peut voir les Cinématons dans certains festivals de cinéma, des cinémathèques, des musées, des centres d’art moderne et d’art contemporain, certaines salles de cinéma, des galeries, des lieux consacrés à la photographie, aux arts de la rue, etc.

Certaines télévisions en programment également de temps en temps. Récemment, certains ont été diffusés sur France 3. Rai Sat (Italie) va montrer prochainement 25 Cinématons de cinéastes célèbres (Losey, de Oliveira, Godard, Wenders, Pialat, Gilliam, Fuller, Oshima, Scola, Mekas, etc.).
À ce jour, les Cinématons ont été montrés dans plus de 150 festivals (dont Berlin et Cannes) et ont été programmés sur plus de 50 chaînes de télévision.

Patrick Zocco a le projet de présenter l’intégrale des Cinématons (dont évidemment celui de Gaspar Noé) dans le festival « Onze » qui se déroule en juin à Paris. Cela devient de plus en plus ardu à organiser car l’ensemble dure près de 150 heures. La dernière intégrale a eu lieu en 1998 à Toronto (Ontario, Canada) où avait été présenté les 1870 premiers portraits – dont celui de Gaspar Noé – soit 132 heures de projection !


Aujourd’hui, êtes-vous toujours en contact avec Gaspar Noé et que pensez-vous de sa carrière ?


Je suis la carrière de Gaspar Noé avec intérêt. Il fait partie d’un petit nombre de cinéastes qui, aujourd’hui, fait réellement du cinéma contrairement à une majorité qui réalise des téléfilms maquillés en film de cinéma. Les cinéastes de cinéma – pardonnez ce pléonasme – sont de plus en plus rares.
Actuellement, je ne suis pas en contact direct avec Gaspar Noé. Cela dit, j’ai de temps en temps de ses nouvelles par mon amie la comédienne Rosette qui habite dans un loft, dans le même immeuble que lui, à l’étage inférieur. Elle me tient au courant de ses allés et venus et m’a confirmé que Gaspar Noé est un gros bûcheur, capable de travailler jour et nuit.



Un immense merci à Gérard Courant pour sa disponibilité, sa gentillesse ainsi que pour tous les documents qu'il a bien voulu nous apporter.

This interview has been translated automatically. Gérard Courant is a filmmaker. He was born in the district of Croix-Rousse in Lyon on December 4, 1951. Among his many works (find his complete filmography here), the Cinématon: "a gold mine for the historian: Courant scrolls in front of his camera an imposing number of personalities "(Jean Tulard)


How did you know Gaspar Noé and why did you choose him?


To answer your question properly, it is important to say for those who do not yet know what a Cinematon is. A Cinématon is a filmed portrait of an arts or entertainment personality (filmmaker, actor, writer, painter, musician, journalist, philosopher, etc.). This personality is filmed in a close-up sequence of 3 minutes 25 seconds, in a single take, still and silent in which she has total freedom to do what she wants in front of the camera.

Another clarification: this film, started on February 7, 1978 !, is endless. To date - January 7, 2004 - 2083 portraits have been boxed and the set lasts approximately 150 hours!

The portrait of Gaspar Noé was filmed on June 23, 1995 at 12:20 am, on the occasion of a party offered by the encrypted television channel Canal +. That night took place in a historic performance hall: the Bataclan. And to be even more precise, it was the “Short Programs” department headed by Alain Burosse who organized and “staged” this night of celebration… sorry, madness. And this is where we have to talk for a few moments about Alain Burosse without whom Gaspar Noé's Cinematon would not exist.

Alain Burosse was part of the founding team of Canal +. From the start, he created the "Short Programs" which ingenious to program a certain number of works by film artists (of which I was) and video artists who were excluded from general television channels because these films and these bands were too disturbing, too scathing, too anarchist. In particular, he regularly programmed Cinematons. But Alain Burosse did more. Every time he and Canal + organized a night (as at the Cirque d'Hiver and at the Hara-Kiri premises in 1987, at the Palais de Chaillot in 1988, at the Clermont-Ferrand festival in 1990, at the Bataclan in 1995) where Hundreds of guests jostled, even thousands as at the Palais de Chaillot, he put at my disposal a small studio in which I could film the personalities invited to these nights as I wished. I only had to pick them to install them in front of my camera. And the subtlety of the operation was not to film everything from the guests but to choose handpicked people, with rare talent, artists who went out of the ordinary and off the beaten track.

Pardon these digressions, but without Alain Burosse, I would never have filmed Gaspar Noé and Karl Zéro, Cavanna and Sylvia Bourdon, Carette and Alain Chabat, Professor Choron and Jackie Berroyer, Florence Thomassin and Amina, etc.

I come back to the Bataclan, on that sweet summer night from June 22 to 23, 1995. My little studio was located away, at the end of a corridor where I enjoyed the calm essential for the successful production of the Cinematons. I did not need to leave this place because indispensable “volunteer touts” worked for me in the darkness of the night and brought me certain characters who inevitably failed in front of my camera. And among these "volunteer touts", there was obviously Alain Burosse. I imagine it was he who accompanied Gaspar Noé to my studio because Alain was one of the first to appreciate and defend Gaspar's work. He often spoke to me about it in very complimentary terms.

The choice to film Gaspar Noé was therefore natural: he made himself. Among the many guests, it was inevitable that an Alain Burosse or one of his acolytes would bring me artists of rare talent, of the caliber of Gaspar. This was part of our moral contract between Alain, the “Short Programs” and me. I was there for that!


What was his reaction to this choice?


From what I remember, it was an enthusiastic reaction. And then, we all had blind faith in Alain Burosse. Alain was - I speak of it in the past tense because since then he left Canal + - an extremely reliable person in everything he offered us. If that night, Alain said to Gaspar: "Follow me, I present to you Gérard Courant who is going to make your Cinematon", it would not have occurred to the idea of our future cinema - or of anyone placed in the same. situation - to oppose this proposal. On the contrary, when Alain Burosse projected us into an adventure, whatever it was, we knew in advance that we would not regret it.


How did the shooting go and what exactly did Gaspar Noé do in front of your camera?


The introductions were done quickly. A reserve of champagne was at my disposal in the studio. It made it possible to quickly establish contacts with the people I had to film. It was hot. Gaspar was dressed in a white T-shirt and hadn't shaved for several days. He was apparently very relaxed. He started the Cinematon with a smile, then spread his arms and put both hands behind his head. He closed his eyes. He started laughing. He stared at the camera and removed his hands that were still behind his head. He pulled the latter back and placed it against the wall, smiling. He put his hands behind his head again. He closed his eyes again, opened them and then closed them again. Finally, he opened his eyes wide and looked at the ceiling. It was then that his Cinematon ended.

From this portrait, there results a rare serenity, a plenitude, a great relaxation.

Lucile Hadzihalilovic, Noah's companion and his friend, director Jan Kounen, also passed in front of your camera the same day, a few minutes apart… What were their portraits?

Indeed, when Gaspar Noé came to be filmed, he was accompanied by Lucile Hadzihalilovic and Jan Kounen. And it is quite naturally that I suggested to each of them to film them as well.

Lucile's portrait is very sober and of disarming tranquility: during the 200 seconds of her Cinematon, she smiles and stares at the camera. She never deviates from this game throughout her portrait.

As for Jan Kounen, he chose the opposite posture. His Cinematon is very agitated. The actions are jostling. If he had to describe his portrait in detail, this interview would drag on! Okay, I'll try to be short and chronologically describe its main actions.

Jan Kounen begins by smiling, then he opens his eyes wide. He hides his face behind his hands. His face stiffened and he clenched his teeth. He comes out of the frame which becomes completely empty. From the empty screen, he reveals one of his basketball-shod feet. His face comes back into the frame and he has a few twitches. Jan stares at the camera. He turns his head to the right, then to the left. He speaks to the camera (although he knows that the Cinematon is silent) by articulating words excessively (as did before him, in their own way, a Serge Daney in 1979 or a Roberto Benigni in 1986) with a quantity facial expressions and grimaces. He continues his grimaces while at the same time gesturing his fingers around his mouth to explain to the viewer that he would like to speak but that it is impossible (since, I repeat, the film is silent). He continues his grimaces. He gets up from his seat and walks over to the camera until he is pressed against the lens and the image goes completely black. He resumes his place in his seat while continuing to speak. He addresses the spectator again, showing his watch hanging on his wrist. His agitation is not over: he turns his head in all directions and returns to the camera. He puts one of his hands in front of the lens which he waves sideways. It becomes a game of hide and seek with his face being partly camouflaged by the movement of his hand. And that's how the performance ends - because it is indeed a performance - by Jan Kounen. He resumes his place in his seat while continuing to speak. He addresses the spectator again, showing his watch hanging on his wrist. His agitation is not over: he turns his head in all directions and returns to the camera. He puts one of his hands in front of the lens which he waves sideways. It becomes a game of hide and seek with his face being partly camouflaged by the movement of his hand. And that's how the performance ends - because it is indeed a performance - by Jan Kounen. He resumes his place in his seat while continuing to speak. He addresses the spectator again, showing his watch hanging on his wrist. His agitation is not over: he turns his head in all directions and returns to the camera. He puts one of his hands in front of the lens which he waves sideways. It becomes a game of hide and seek with his face being partly camouflaged by the movement of his hand. And that's how the performance ends - because it is indeed a performance - by Jan Kounen. It becomes a game of hide and seek with his face being partly camouflaged by the movement of his hand. And that's how the performance ends - because it is indeed a performance - by Jan Kounen. It becomes a game of hide and seek with his face being partly camouflaged by the movement of his hand. And that's how the performance ends - because it is indeed a performance - by Jan Kounen.

The performances of Lucile, Gaspar and Jan thus offer us a sort of summary of the different cinematic behaviors in front of my camera. Lucile has chosen to do nothing and sticks to it throughout her portrait. Gaspar is in an intermediate situation: he stages himself in minor actions interspersed with long timeouts. Finally, Jan fills the aquarium with Cinematon images to the brim. “Nothing but action” could be his motto.


We find the “trio” (Noé - Hadzihalilovic - Kounen) in the filmed book Hereditary Routes. What did it consist of?


Just a couple of words about the Carnets filmés. Since my beginnings as a filmmaker in the 1970s, and at the same time as my Cinematons and my other films, I have always filmed my Notebooks which are film archives. These Notebooks bring together all kinds of scattered elements: essays, notes, sketches, sketches, locations, failed Cinematons (for example, when they were stopped by a battery failure and had to be re-filmed ), reports, even rushes or unfinished films which are gathered here to form a whole close to the spirit of a journal in literature. They are assembled from day to day and form episodes that cover periods spread over six months or a year and last between 45 minutes and 95 minutes. 29 have been completed to date.

And I come to the famous trio. Lucile, Gaspar and Jan were indeed filmed in the episode of The Notebooks, Hereditary Routes which runs from May 21 to November 8, 1995 and which lasts 1 hour 36 minutes.

During the night of the Bataclan, I had installed a second cinematographic camera in the same axis as the first which filmed the Cinematons but in a much larger frame. During those long nights of filming, I could film ten or twenty people. It sometimes happened that, even if I knew the name or artistic work of a person, I did not know them physically before filming them and it was always possible that when I edited a few days later the opening credits of each portrait with the images from the Cinématons, I sometimes have a hard time putting a name on a face. So, in order not to make the mistake of putting the credits of a Cinematon with the image of another Cinematon, I had found a system that allowed me to avoid this possible mistake. During the shoots, In a school notebook, I wrote down chronologically the names of the people I was filming and, at the same time, with this second camera, I filmed each movie for a few seconds. So, when my films came out of the development lab in separate reels and out of order, if I had doubts about the name of a filmed character, it was easy for me to consult my notebook while viewing the images impressed by the second. camera to restore order in my Cinematons.

This is how Lucile, Gaspar and Jan appear in the 22nd episode of my Carnets filmés that I was filming at the time, Routes hereditary.

In addition, I had installed a third camera, video this one, which was placed exactly in the same axis and which had the same framing as the first camera (that of the Cinematons). This video camera was connected to a huge screen in the great hall on which the Cinematons in progress were projected - as well as their preparation and after the shooting - and which were seen at the same time by hundreds of people drinking and dancing. . Many eyewitnesses were therefore able to discover, live, the filming of Gaspar Noé's Cinématon!

I had also connected a printer to the video camera which made it possible to output black and white images, in the format 21 x 27 cm, during the filming of the Cinematons. I carefully kept these reproductions which I then re-filmed in Super 8 and also integrated into Hereditary Routes.


In 1996, Gaspar Noé made a clip for singer Mano Solo and, somewhere, we could see a nod to Cinematon: Solo and his group are filmed in a fixed sequence shot and seem totally free… A tribute to Gérard Courant?


Why not ? You know, I didn't make anything up. I often say that my masters are Louis and Auguste Lumière. In their first tests, which are the first films in cinema, they made films of a single still shot of about 50 seconds (because their cinematograph could not accept more film).


On the internet, you can order the paper version of Cinématon, presenting 1000 commented photographs taken from your project. Is Gaspar Noé one of them?


This is the book Cinématon, published in 1989 by Éditions Henri Veyrier. This book, which has been out of print for a few years, is made up of 1000 photograms taken from the first 1000 Cinematons. Gaspar Noé's Cinématon is the 1749th in the collection. Therefore, it cannot be included in this book. (Small clarification: this book can still be found in second-hand booksellers and movie bookstores).

I had the project to publish a second volume (of Cinématon 1001 to 2000) in 2001 in which would have appeared Gaspar (and Lucile and Jan) but carried away by other films and other projects, I never found the time and energy to complete this project.

Since the 2000 portraits are now largely outdated and the book of the first 1000 Cinematons is out of print, I modified my project. I would like to publish a book with the photograms of all the Cinematons from number 1 to the last existing one (currently 2083). But does the publisher capable of publishing such a book exist?

How and where to see Cinématon in 2004?

The Cinematons can be seen in certain film festivals, cinematheques, museums, modern and contemporary art centers, certain cinemas, galleries, places devoted to photography, street arts, etc.

Some televisions also program it from time to time. Recently, some were broadcast on France 3. Rai Sat (Italy) will soon show 25 Cinematons by famous filmmakers (Losey, de Oliveira, Godard, Wenders, Pialat, Gilliam, Fuller, Oshima, Scola, Mekas, etc.).

To date, the Cinématons have been shown at over 150 festivals (including Berlin and Cannes) and have been shown on over 50 TV channels.

Patrick Zocco has the project to present the complete Cinematons (including of course that of Gaspar Noé) in the festival "Onze" which takes place in June in Paris. It becomes more and more difficult to organize because the whole lasts almost 150 hours. The last complete took place in 1998 in Toronto (Ontario, Canada) where the first 1870 portraits - including that of Gaspar Noé - were presented, ie 132 hours of projection!

Today, are you still in contact with Gaspar Noé and what do you think of his career?

I follow Gaspar Noé's career with interest. He is one of a small number of filmmakers who today really make cinema, unlike a majority who make TV films made up as cinema films. Film directors - forgive this pleonasm - are increasingly rare.

Currently, I am not in direct contact with Gaspar Noé. Having said that, I get news from time to time through my friend the actress Rosette who lives in a loft, in the same building as him, on the lower floor. She keeps me informed of her comings and goings and confirmed to me that Gaspar Noé is a hard worker, capable of working day and night.

A huge thank you to Gérard Courant for his availability, his kindness as well as for all the documents he was kind enough to bring us.

Gérard Courant

Réalisateur

Director

FP/LTDT. Entretien avec Gérard Courant. Le Temps Détruit Tout. [en ligne] Publié en janvier 2004. Consultable à l'adresse : http://www.letempsdetruittout.net/interviews/g%C3%A9rard-courant

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